NOTES
Ce paragraphe et les trois précédents réécrivent ceux de Pierron (Notice, ouvrage cité, p. XXXIII-XXXIV): « Eschyle vivant avait eu, dans ses contemporains, des admirateurs dignes de lui; Eschyle mort fut presque un dieu pour les Athéniens. Un siècle plus tôt, ils lui auraient élevé des temples, comme Smyrne jadis en avait élevé
à Homère. Ils prouvèrent du moins, par de signalés témoignages, leur enthousiasme et leurs regrets. Ils lui
rendirent le plus grand honneur qu'on pût faire à un poète dramatique: ils voulurent que ses tragédies
reparussent dans ces concours où déjà tant d'entre elles avaient triomphé; et il arriva plus d'une fois qu'elles
triomphèrent de nouveau. « Ma poésie n'est point morte avec moi, » s'écrie fièrement Eschyle, dans Les Grenouilles d'Aristophane. Cette vie nouvelle, cette personnalité, si j'ose ainsi dire, la poésie d'Eschyle l'eut
seule en partage. Ni celle de Sophocle ni celle d'Euripide ne jouirent de ce beau privilège. Eschyle fut l'objet d'une
éclatante et unique exception. Il resta, pour les Athéniens, le poète national par excellence; et aucune renommée
ne balança jamais, dans leur estime, le souvenir de l'homme qui avait chanté Salamine et l'Aréopage.
Tous les autres honneurs qui furent d'ailleurs décernés à Sophocle et à Euripide, on les accorda également à leur devancier. Pausanias put voir encore, dans le théâtre d'Athènes, le portrait d'Eschyle à côté de ceux d'Euripide et de Sophocle. Eschyle avait aussi, comme ses deux illustres rivaux, une statue de bronze dans Athènes. C'est Lycurgue, le célèbre orateur, qui avait proposé le décret d'érection. Sur la proposition du même citoyen, l'État avait fait les frais d'une copie complète et authentique des oeuvres des trois grands tragiques. Le greffier de la république en avait la garde. C'est sur l'exemplaire officiel que les acteurs collationnaient leur texte et rectifiaient les erreurs de leur mémoire, avant la représentation; et cette opération préliminaire était obligatoire.
Ce n'est pas tout. Les représentations du théâtre étaient rares; les livres étaient chers et peu répandus: la Grèce ingénieuse trouva moyen de satisfaire à souhait son besoin poétique. Eschyle eut ses rhapsodes comme Homère: ils chantaient, une branche de myrte à la main. »